06 juin 2006

Nicolas ne parle pas hongrois


Photo Reuter publiée par Libération le 10/11/2004

Mardi 6 juin 2006, Nicolas Sarkozy a annoncé des mesures visant à assouplir le sort réservé à certains élèves sans papiers. Parmi les critères annoncés par le ministre de l'intérieur pour définir les bénéficiaires de ces mesures, il en est un qui me paraît particulièrement choquant : « ne parler que le français ».

Demander à un enfant de taire (ou pire, de dissimuler) sa langue maternelle est absurde.

La cinéaste Nurith Aviv présente, à Paris, aux 3 Luxembourg, son documentaire « D'une langue à l'autre ». Quelques séances sont encore prévues, jusqu’au 18 juin (dates, horaires et liste des invités ci-dessous*). A l’occasion de cette sortie, Le Monde a publié, le 31 mai dernier, une enquête** de Michaëla Bobasch : « L'impossible oubli de sa langue maternelle » d’où je retire ces quelques lignes :

« (…) Est-il vraiment nécessaire de faire table rase de sa langue d'origine pour naître à une nouvelle existence ? Ne risque-t-on pas, comme l'affirme Aharon Appelfeld, de rester "infirme pour la vie ?". Car la langue dite "maternelle" (qui peut aussi être la langue du père, lorsque celle-ci est adoptée par un couple mixte) "est la langue implicite, secrète, intime, la langue des affects et du plaisir", explique la psychanalyste Anne-Marie Houdebine (…)Parce que la langue sert avant tout à établir des relations sociales, les enfants éduqués dans le pays d'accueil par l'école et les contacts avec les autres enfants "bricolent" une identité différente de celle de leurs parents et de celle du pays où ils vivent. "Ils sont ce que les Anglo-saxons appellent des "third culture", des enfants d'une troisième culture", indique la psychologue Barbara Abdelilah-Bauer (Le Défi des enfants bilingues, éd. La Découverte, 192 p., 15 €). Ces enfants ne se sentent pas possesseurs de deux moyens d'expression interchangeables, mais riches de plusieurs cultures. Et beaucoup d'entre eux, toute leur vie durant, ne pourront exprimer adéquatement certaines idées que dans leur langue d'origine. »

Heureusement, un confrère, Luc Saint-Elie, s’étonne aujourd’hui du peu de cas que les médias font de cette nouvelle sarkoserie. Allez vite le lire.

Quant Pal Nagy Bosca y Sarközy, né à Budapest en 1928, père de Guillaume, Nicolas et François, il confiait à Raphaëlle Bacqué, journaliste au Monde, le 6 octobre 2002*** : « Je n'ai jamais voulu leur apprendre le hongrois. Vous comprenez, c'est un tout petit pays, cela n'était pas utile. Et puis je voulais que mes enfants soient entièrement français. »

* Jeudi 1er juin à 21:00, débat avec Paula Jacques, écrivain. Dimanche 4 juin à 11:00, avec Silvia Baron-Supervielle, écrivain. Jeudi 8 juin à 21:00, avec Jacques Roubaud, poète, et Marcel Benabou, écrivain. Dimanche 11 juin à 11:00, avec Judith Miller, philosophe, et Marie-Hélène Brousse, psychanalyste. Mardi 13 juin à 21:00, avec Jean-Marie Borzeix, journaliste. Jeudi 15 juin à 21:00, avec Alain-Didier Weill, dramaturge et psychanalyste. Dimanche 18 juin à 11:00, avec Ezzdine Guellouz, professeur. Le DVD du film [Swan Productions, 01-42-80-09-63] est vendu en fin de séance (15 euros).

** Les abonnés au Monde.fr pourront lire l’article de Michaëla Bobasch > ici <

*** Les abonnés au Monde.fr pourront lire l’article de Raphaëlle Bacqué > ici <